Initiative irresponsable ?

C’est mi-amusé mi-peiné que j’ai assisté il y a quelques jours aux interventions, sur deux chaînes nationales, d’un financier genevois, champion de l’initiative «multinationales responsables». L’intention globale est généreuse et nul ne peut nier l’urgente nécessité de moraliser l’économie mondiale. L’étalage de ses bonnes intentions pourtant me fit penser qu’il essayait de s’acheter une bonne conscience.

Au-delà d’impossibilités juridiques factuelles (extra-territorialité des faits, viol de souveraineté et conflits de droits, illicéité de l’inversion de la charge de la preuve et donc de la présomption d’innocence), le simple bon sens oblige à redouter que cette initiative soit concrètement contre-productive.

1. Un arsenal judiciaire bancal risquerait fort, dans de nombreuses régions de non-droit, de décupler le risque d’image par des tentatives de racket. N’importe quel voyou, armé de photos truquées, pourrait tenter de faire chanter toute entreprise suisse implantée dans son pays. L’augmentation de ce risque susciterait vraisemblablement le gel immédiat de leurs investissements directs, voire même leur désinvestissement complet. De nouveaux intermédiaires locaux s’imposeraient, obérant encore davantage une équitable répartition de la richesse créée.

2. L’argument émotionnel du travail des enfants procède d’un déni de réalité et d’une confusion.

a. Le déni de réalité : dans de nombreux écosystèmes de par le monde, le travail des enfants au sein de leurs communautés naturelles (famille, tribu, village) les protège! Il garantit leur développement personnel et leur socialisation harmonieuse. Là où il n’y a pas ou peu d’école, priver les enfants de leurs contributions communautaires revient à les exposer gravement aux pires maux: errance, vol, mendicité ou prostitution, drogues, embrigadement idéologique, militaire ou mafieux, traite d’humain, trafic d’organes…

b. La confusion, simpliste et retorse, entre travail et exploitation revient à nier cette réalité: pour éviter l’exploitation des enfants, leur donner un travail domestique, au sein de leurs communautés naturelles est essentiel. Loin de nos archétypes occidentaux… Aux propagandistes de l’initiative, je proposerais donc l’exemplarité: commençons par assigner en justice – pour les condamner par contumace – tous nos ancêtres paysans, artisans, artistes ou négociants, qui firent travailler leur progéniture dans leur potager, leur atelier ou leur boutique…

Considérons plutôt avec réalisme les vraies racines du mal. D’où provient cet immoral écrasement de la valeur ajoutée, qui appauvrit ses producteurs initiaux?

1. Une contre-culture, ultra-toxique, imprégne de nombreuses organisations, celle dite «des Achats». Sans pudeur, on y affirme que la valeur ajoutée naît premièrement en cassant les prix! Profitant de leur dominance, les acheteurs utilisent cette «méthode» de trader pour pressurer leurs fournisseurs. Lesquels pour survivre, répercutent l’étranglement économique qui leur est imposé, jusqu’aux plus faibles. J’aimerai que ces acheteurs deviennent les ambassadeurs et les garants de partenariats éthiques et équitables, fermement engagés contre toute spoliation, toute injustice ou toute exploitation.

2. Nos acheteurs, malgré leurs conditionnements toxiques, ne sont généralement pas des prédateurs volontaires. Ils agissent sous la contrainte de la maximisation du profit immédiat, pression dont les actionnaires distants, regroupés en fonds pensions empreints d’immoralité, sont responsables. Cette financiarisation sans frein éthique de l’économie mondiale peut s’illustrer ainsi: c’est pour que le petit pensionné de Floride puisse vivre sans travailler que le producteur africain de café ou de cacao, appauvri malgré son travail, est contraint d’exposer ses enfants hors de leurs communautés naturelles protectrices. Je redoute que notre financier genevois, comme tant d’autres, ne veuille jamais l’admettre.

3. Des milliards sont actuellement dépensés par nos multinationales pour racheter discrètement leurs actions, afin de les annuler. Se désendettant, elles augmentent potentiellement la valeur de leurs titres et/ou de leurs dividendes. Mais plutôt que les faire disparaître, peut-être pourrions-nous les proposer, gratuitement ou à bas prix, à tous ceux qui travaillent tout au long de la chaîne d’approvisionnement, en contrepartie d’engagements éthiques, de longue durée? Le dividende annuel rémunérerait alors leurs engagements, cet actionnariat partagé cimenterait une vraie solidarité de tous les acteurs et créerait une relation directe, forte entre l’entreprise et ses fournisseurs… Cette idée simple est sans aucun doute plus éthique et plus responsable que d’autres, aux juridismes extravagants.

L’humanisation notre économie mondialisée ne se fera pas par la contrainte – le vouloir n’est que tyrannie. Nous avons plutôt besoin de courage et d’intelligence : le courage de la vérité et l’intelligence de la réalité. Puis d’humilité et d’audace, pour réformer chez nous ce qui a besoin de l’être. Concrètement.

SPURRING

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