« L’erreur est urbaine »

J’ai récemment vu ce graphe sur le mur d’un très beau village suisse, au bord du lac Léman. Il m’a donné l’envie de vous poser cette simple question, comme je le fais très souvent au début de nos ateliers ou de mes conférences : pourquoi prenons-nous nos vacances l’été ? Bien peu trouve la réponse, alors que pourtant beaucoup la connaisse.

C’est en 1874 – 7 ans avant notre voisin francophone – que fut instituée, pour la 1ère fois, l’école obligatoire. Dans un monde alors ultra-majoritairement agricole, il était tout à fait impossible – voire irresponsable – de vouloir priver nos vitales économies paysannes des mains très agiles et des petits bras déjà musclés des enfants ou des adolescents, pendant la saison des récoltes et des cueillettes, des moissons et des vendanges. Ainsi naquirent les grandes vacances, qui, bien que notre monde ait radicalement changé, sont désormais sacralisées.

Car en effet, malgré certains sentimentalismes idéologiques et en dépit d’utopies bien-pensantes obsolètes, notre civilisation porte en elle, comme sanctuarisée dans chacun de ses rythmes et dans son entière organisation, la trace estivale – et indélébile – du travail domestique de nos enfants.

Ce travail domestique, exercé au sein des communautés humaines naturelles, protégea longuement l’enfance, tout en l’éduquant socialement et moralement. Et très souvent, en l’instruisant des réalités qui lui seraient ensuite efficacement utiles, à l’âge adulte.

Lorsque appauvries, ces communautés disparaissent et que les parents ne peuvent plus proportionner la contribution de leurs enfants à leur âge ou leurs aptitudes, parce qu’eux-mêmes sont exploités, c’est alors que l’enfance est effectivement exposée à toutes les plus atroces exploitations ou les plus sordides manipulations !

Mon propos cependant n’est pas là.

J’ai d’autres questions. N’aurions-nous pas, sans le vouloir, cessé de nous adapter ? Serionsnous, par conséquence, malgré notre actuelle prolifération, en voie de disparition ? En effet, bien que notre société ne soit plus paysanne, nous continuons d’entreprendre de nous reposer l’été, alors que la luminosité quotidienne dope notre corps pour activement besogner. Et nous travaillons intensément l’hiver, quand tout en nous aspire à nous faire nous reposer ! Ce décalage permanent, de l’enfance à la vieillesse, antinaturel et non-écologique, ne serait-il pas à l’origine de nos très nombreuses et galopantes pathologies, physiques autant que psychiques ?

Pendant qu’au fil des décennies nos instructions obligées devenaient plus intenses, longues, techniques et approfondies, n’aurions-nous pas perdu notre belle intelligence du réel, ce simple gros bon sens, si précieusement humain ? N’avons-nous pas sacrifié notre discernement sur l’autel de brillants diplômes, qui ne garantissent rien d’autre que notre faculté à croire et à répéter, ce que d’autres déjà répètent, parfois sans y croire ?

« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant sans interruption dans une famille ne la fera pas douter de la bonté de son dieu ou du talent de son médecin. » Marcel Proust l’observait, en 1913.

C’est précisément là mon propos : désigner, pour la condamner, cette pensée linéaire et monolithique, cet amalgame de croyances qui ne nous font admettre ou accepter de la réalité que ce qui confirme nos croyances antérieures – le plus souvent en forme de prêt à penser et de déni de réalité. Permettez-moi de citer encore cette charmante rappeuse française, d'origine argentine, Keny Arkana, qui brillamment souligne cette évidence cachée : « Savez-vous que l'on voit ce que l'on croit, non pas l'inverse... »

Certaines consanguinités, dans nos hautes vallées alpines, risquaient jadis d’engendrer ce qu’on a appelé des » crétins des Alpes ». Retranchés dans nos cités, auto-aveuglés de nos technologies intrusives et parfois décérébrantes, loin des réalités de monde vivant et naturel, mais envahis de croyances aux généreuses apparences autant qu’enfermés dans des systèmes de mono-pensées empruntées, ne risquons-nous pas de devenir à notre tour, des idiocrates ? Incapables d’une authentique réflexion, personnelle et autonome ?

Notre esprit parfois nous joue un bien vilain tour : métissant nos intentions supérieurement bonnes et son oreiller de paresse – par économie d’énergie psychique – il nous entraîne vers les abîmes de la non-pensée que sont les idéologies, identifiables notamment à ce que toujours elles se fardent des meilleures des bonnes intentions. Et veulent imposer ou contraindre…

Il existe pourtant une panacée, un antidote universel contre cette inhumaine déviance, cet aveuglement déshumanisant. « Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire » observait Friedrich Nietzsche.

C’est dans la claire connaissance de notre histoire et de notre passé que nous pourrons, loin des errances idéologiques – des nirvanas communistes ou écologistes autant que toutes les prédations pseudo-libérales – inventer un futur qui nous ressemble.

SPURRING

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